Piéger le frelon asiatique (Vespa velutina)

Contrairement au frelon traditionnel de nos régions (Vespa crabro, ci-après Vc), le frelon asiatique (Vespa velutina, ci-après Vv) fait des ravages chez les apiculteurs : ce dernier, en quête de sucres et de protéines pour élever sa colonie, fait du vol stationnaire en face des planches de vol des ruches et attend les abeilles pour les dévorer. Notre frelon crabro ne s’attaque pas aux abeilles et il est d’ailleurs bénéfique car en concurrence territoriale avec le frelon asiatique.

Ce problème s’amplifie depuis que le frelon asiatique s’est introduit dans nos régions, vers 2005, et son territoire gagne progressivement la France… Les apiculteurs cherchent donc des moyens pour s’en débarrasser ou, au moins, réduire la pression qu’il exerce sur les ruches. Ainsi, on peut lire de nombreuses recommandations, conseil de fabrication de pièges, de la part des associations d’apiculteurs (GDSA, ruchers-écoles, jardiniers…).[1]

Ce qui est très intéressant, je trouve, c’est le rôle déterminant des phéromones.

Car ce qu’il faut garder en tête c’est que les frelons se livrent à une guerre pour défendre leur territoire. Les fondatrices (femelles pondeuses qui créent des nids et des colonies) de velutina en quête d’un territoire n’hésites pas à se diriger, grâce aux phéromones, vers les nids des fondatrices concurrentes pour les tuer. Idem entre les fondatrices crabro et velutina.

J’avais déjà remarqué que des pièges pouvaient rester infructueux toute une saison, alors que d’autres pièges étaient bourrés à craquer de frelons. Le premier frelon qui entre dans le piège est déterminant car il va marquer le piège d’une phéromone, tout comme les abeilles marquent les points d’eau, les fourmis leurs chemins, etc. Ceci a pour effet d’attirer les autres et ainsi de suite. La piège contient généralement de la bière (blonde ou brune) avec un sirop sucré (grenadine), ou du panaché de base, et quelques traces de miel à l’entrée. Dès lors que quelques frelons sont rentrés, il serait possible de vider le piège en prenant soin de ne pas toucher ou laver l’entrée (pour ne pas retirer les phéromones déposées), et il fonctionnerait à nouveau.[2]

Paradoxalement, il vaut mieux placer un piège à proximité de ses ruches. On peut penser que cela va attirer encore plus les frelons devant les planches d’envol ; en fait non, car le frelon est en priorité attiré par les phéromones du piège, qui indique un lieu de nourriture déjà visité (« validé » en quelque sorte) par un précédent frelon. Le piège peut être installé sous la ruche, ainsi il est à l’abris de la pluie ; le frelon tournant autour d’une ruche il sera attiré ; l’abeille, elle, ne sera pas perturbée car elle ne verra pas le piège et ne sera pas sensible à cette phéromone.

Vendredi dernier lors d’une conférence de M. André Lavignotte au rucher-école du Béarn, au sujet du frelon asiatique, un apiculteur disait qu’il ne fallait pas brûler les nid de Vv, au contraire, si on arrivait à en récupérer un (vide bien sûr !), on pouvait le découper et s’en servir comme appât. La phéromone de fondatrice qu’il contient attirent les autres fondatrices. Ainsi je me dis qu’en plaçant un bout de nid de Vv dans un piège, on peut faire des pièges très efficaces, et surtout, spécifiques du Vv, sans perturber le frelon classique lequel n’affecte pas les abeilles et contribue à la destruction du Vv par concurrence de territoire.

Une remarque en passant, pour ne pas confondre les deux frelons :

  • Le Vespa crabro a la tête et les pattes brunes, l’abdomen est essentiellement jaune. Son nid a une ouverture vers le bas.
  • Le Vespa velutina a la tête noire (mandibules jaunes), les pattes jaunes, l’abdomen est noir avec un seul segment jaune. Son nid a une ouverture sur le côté. (D’où la forme du piège, avec bouteille d’entrée à l’horizontale).

À gauche : Vespa crabro ; à droite : Vespa velutina.
(Photo : © André Lequet ; avec son aimable accord.)

Ce qui serait fabuleux, ce serait de déterminer la nature chimique de la phéromone spécifique du Vv, et de pouvoir la synthétiser et la distribuer sous forme de petits appâts.

Ce qui serait encore mieux, si l’on voulait éradiquer le Vv de nos régions, serait de déterminer l’hormone sexuelle femelle (celle de la fondatrice qui attire le mâle), afin de s’en servir d’appât olfactif, au moment de la période de reproduction. Tout comme on fait déjà pour les papillons : les phéromones femelles sont placées dans le jardin, les mâles sont désorientés par tant d’odeurs attirantes et ne parviennent plus à localiser les femelles, d’où une faille dans le cycle de reproduction. Ce serait une méthode bien plus spécifique et naturelle que l’usage d’insecticides  ou de pièges qui récoltent essentiellement des Vv nourricières et peu de fondatrices, ce qui finalement reste peu efficace.

Bref, j’espère que des scientifiques cherchent dans ces voies-là… À ce jour, une recherche dans des journaux scientifiques (via moteurs de recherches tels Scopus ou ScienceDirect) avec les mots « « vespa velutina » AND pheromon* » ne retourne aucun article…

4 réflexions sur « Piéger le frelon asiatique (Vespa velutina) »

  1. savin

    Désorienter le frelon mâle avec des phéromones voilà une bonne idée, mais rien ne dit à ce jour que les accouplements se font en dehors des nids comme pour les reines des Abeilles sauf erreur de ma part.
    JS

  2. jérémie

    bonjour et merci pour votre blog.
    personnellement j’ai du frelon asiatique devant les 2 ruches de mon jardin, mais aussi de l’européen, qui est certes moins doué mais qui ramène occasionnellement une proie.
    En ce moment je dirais même que c’est du 50/50 asiatique/européen.
    lieu : Ille-et-Vilaine

  3. Geslin

    Bonjour, je suis écœuré, ma ruche est vide depuis ce Week end. J’ai heureusement réussi à récolter mon miel mais mes chères abeilles sont mortes. En voyant cette saleté de frelon asiatique sortir de ma ruche, j’ai vite compris. J’avais décidé de ne pas mettre ma grille et voilà le résultat. Je me lance dans un recherche approfondie de piège à frelon asiatique, si quelqu’un à des infos à ce sujet je suis preneur et pourquoi pas, monter des ateliers de réflexion car bien souvent, la solution est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Merci

  4. Menier

    Bonjour,

    Tant que les « autorités » n’auront pas compris qu’une grande partie de leur nourriture provient de plantes fécondées par les abeilles, il ne se passera rien !

    Il faut des postes de chercheurs et de gros crédit pour lancer de véritables recherches sur ces phéromones (elles sont comme le loup blanc, tout le monde en parle, mais personne n’a – à ma connaissance – fait la preuve de leur existence qui est très vraisemblable, et personne n’a encore moins établi la structure stéréochimique de ces substances.

    JiJI 89

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