La mesure de l’indice de réfraction d’un miel permet d’en déterminer sa teneur (pourcentage) en humidité (eau) et ainsi savoir s’il se conservera longtemps ou s’il pourra être sujet à fermentation (développement de micro-organismes). Les apiculteurs utilisent un réfractomètre de poche pour réaliser cette mesure importante et aussi déterminer l’indice de Brix.
Cependant, il est aussi utile de connaître les proportions de glucose et de fructose (les deux sucres majoritaires dans le miel) car ceux-ci permettent d’évaluer si le miel cristallisera rapidement ou non. Les miels à forte teneur en glucose cristallisent plus rapidement que les miel à forte teneur de fructose.
Cet article explique comment l’on peut connaître les teneurs en eau, glucose et fructose, en réalisant deux mesures : indice de réfraction et pouvoir rotatoire.
Introduction
Un abaque est un « diagramme ou graphique qui donne, par simple lecture, la solution approchée d’un problème numérique. […] Par extension on nomma aussi abaques diverses tables de calcul, dont la plus célèbre est celle de Pythagore. » (définition Wiktionnaire)
Un abaque permet donc, très facilement, de retrouver des résultats d’après des paramètres fournis en entrée.
L’abaque présenté dans cet article est l’aboutissement d’un projet en laboratoire réalisé en 2016 par Sophie Arricau et Roxane Dechanteloup, alors étudiantes en Licence de chimie, 3e année, à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, encadrées par Clovis Darrigan, et avec l’aide de Germain Salvato-Vallverdu pour l’utilisation des librairies graphiques mathplotlib.
Principe
Deux principes physicochimiques ont dicté la démarche présentée ici :
- L’indice de réfraction (n) d’un mélange de plusieurs substances dans de l’eau peut être corrélé à la composition de ce mélange.
- Le pouvoir rotatoire (α) d’un mélange de substances optiquement actives (tels les sucres, glucose et fructose) est corrélé à la composition de ce mélange.
Dans les deux cas, la relation mathématique entre la composition en pourcentage (ou en concentration massique, ou molaire) et la propriété mesurée n’est pas linéaire, car le miel ne peut pas être considéré comme une solution diluée de sucres. Au contraire, la teneur en eau (considéré comme le solvant) est faible, inférieure à 20%.
La seule mesure de l’indice de réfraction ne permet pas de remonter aux 3 teneurs en eau, glucose et fructose. Les indices de réfraction du glucose et du fructose sont très proches (1,3635 et 1,3634 respectivement). Par contre, les pouvoirs rotatoires de ces deux sucres ont des valeurs bien différentes, et même de signe opposé (+52,7° et –92° respectivement).
En fait, si l’on considère le miel comme un mélange ternaire eau-glucose-fructose (donc en négligeant les autres constituants), on peut faire l’approximation que le système n’est décrit que par 2 variables indépendantes. En effet, il existe une relation entre les 3 proportions inconnues : Peau + Pglucose + Pfructose = 100%. Si deux proportions sont connues, la troisième l’est également par complément à 100%. Le problème se résume à trouver 2 variables inconnues. Pour cela, il faut réaliser 2 mesures physicochimiques.
Protocole
Le problème revient donc à mesurer l’indice de réfraction (n) et le pouvoir rotatoire (α) de tous les mélanges ternaires eau-glucose-fructose.
Comme nous savons que la teneur en eau d’un miel est inférieure à 20%, il est pas utile d’étudier tous les mélanges ternaires possibles. De fait, la teneur totale en sucre est supérieure à 80%. Certains miel sont bien équilibrés en glucose et fructose (40% – 40%) alors que d’autres sont plus chargés en glucose, ou en fructose (30% – 50%). En réalité, cette zone est encore restreinte en raison de la saturation du sucre dans l’eau en dessous de 15%.
La zone du diagramme ternaire se restreint à étudier l’intervalle :
- 30% ≤ Pglucose ≤ 50%
- 30% ≤ Pfructose ≤ 50%
- 15% ≤ Peau ≤ 40%
Le diagramme ternaire est quadrillé de 5 en 5% en glucose et fructose, ce qui permet de réduire le nombre d’échantillons de référence à 19.
Des échantillons de référence sont fabriqués en mesurant précisément les masses de glucose pur, fructose pur, et eau distillée, puis placés au bain marie à 60 °C jusqu’à dissolution et homogénéisation complète.
Pour chaque échantillon de référence, on mesure l’indice de réfraction et le pouvoir rotatoire à 20 °C.
Résultat graphique
Les résultats n = f(Pglucose, Pfructose) et α = f(Pglucose, Pfructose) sont des nuages de points dans un espace tridimensionnel. Afin de construire un abaque continu, chacun de ces nuages est transformé en surfaces continues dont les équations sont déterminées par régression polynomiale sur les 2 variables (Pglucose, Pfructose). Ces courbes sont rassemblées dans un même graphique (fraction massiques (x) en glucose et fructose) et « aplaties » grâce à un tracé des courbes d’isovaleurs pour n et α (à la façon des courbes de niveaux).
Nous obtenons alors cet abaque final :
Exemple d’utilisation
On mesure l’indice de réfraction et le pouvoir rotatoire, que l’on reporte sur l’abaque grâce aux courbes de niveaux correspondantes. La ligne n et la ligne α se croisent en un point. Ce point est projeté sur les axes des fractions massiques (identiques aux pourcentages massiques).
Deux miels sont testés (indiqués sur l’abaque) :
- Miel commercial : n = 1,4930 et α = –74,88°. La lecture donne : 41,7% glucose, 40,9% fructose, soit 17,4% eau.
- Miel artisanal : n = 1,4945 et α = –45,5°. La lecture donne : 46,0% glucose, 37,1% fructose, soit 16,9% eau.
En savoir plus
Pour tous les détails sur l’exploitation de la librairie mathplotlib, appliquée aux données expérimentales de l’exemple présenté ici, consulter ce cookbook de Germain Salvato-Vallverdu.
Bonjour,
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la publication de cet article qui m’a paru très bien fait et intéressant! Merci!
En fait, je suis élève en prépa MPSI et dois préparer un TIPE pour l’année prochaine. Je me suis principalement intéressée au domaine de la polarisation et du pouvoir rotatoire. Comme application davantage concrète, je souhaitais m’inspirer de votre expérience sur le miel qui utilise la notion de pouvoir rotatoire. Mais, en vous priant d’excuser mes énormes lacunes en chimie, j’ai quelque peu du mal à saisir la relation liant l’indice de réfraction et les concentrations en fructose et glucose. Il me semble que celle liant les concentrations et le pouvoir rotatoire est la loi de Biot mais à propos de l’indice de la réfraction, je suis un peu perdue.
Cordialement,
Louise WU